dimanche 5 mai 2013

Voyage voyage

Bonjour tout le monde.
Ca faisait un petit moment que je manigançais quelque chose, j'avais une idée derrière la tête...
Aujourd'hui, ce n'est pas moi qui écrit l'article, aujourd'hui, l'article ne va pas parler de moi, de Kumasi, ni même du Ghana.
J'ai en effet demandé à Gus, l'un de mes compères de Bangui de bien vouloir participer à ghana mbi en lui faisant écrire un article racontant un petit peu le pays où il vient de passer 2 années: le Rwanda.
Je tiens d'ailleurs à le remercier chaleureusement et vous souhaite une bonne lecture!

Le Rwanda tout le monde connaît, au moins de nom. Un nom qui fait frémir, qui évoque des moments parmi les plus noirs de l'Histoire de l'humanité.

Après avoir vécu en République centrafricaine, notamment aux côtés de Sylvain, ma famille était ravie de savoir que j'allais aller ailleurs. En ayant fait miroiter un poste en Afghanistan rien ne pouvait être pire. Quand je leur ai annoncé que c'était le Rwanda, ils m'ont quand même regardé avec de grands yeux. Pour eux, le Rwanda, c'était pas vraiment mieux.

Alors pour situer un peu, ce petit pays grand comme la Bretagne et peuplé comme la région parisienne, a plusieurs particularités. Un peu en vrac les voici. 
Le lait et le miel y coulent à flot. C'est le pays le plus dense d'Afrique avec plus de 350 habitants au km². Les sacs plastiques sont interdits et on peut se faire fouiller à la frontière ou à la douane juste pour ça. 
Comme son voisin le Burundi, l'assemblée nationale est composée à 50% d'hommes et à 50% de femmes. Ils sont les champions du monde et ça c'est classe.

Le Rwanda est aussi surnommé « Le pays des mille collines » et à juste titre ; Kigali la capitale pointe à 1500 mètres d'altitude.  Du nord au sud et de l'est à l'ouest, ce n'est que des monts et des vallées, partout, partout. En plein coeur de l'Afrique centrale, à quelques kilomètres de l'équateur, le paysage est vert toute l'année. La température est clémente mais il pleut quasiment un jour sur deux. Il s'agit le plus souvent d'averses qui ne durent pas mais le temps est toujours voilé et brumeux. Et c'est vraiment dommage car le pays est magnifique.

Ce pays est si beau qu'une légende rwandaise dit qu'après avoir créé le monde, Dieu l'a parcouru et a décidé de s'y reposer tous les soirs. 
Comme l'indique le titre de ce très bon film sur le Rwanda, le génocide aurait eut lieu « le jour où Dieu est parti en voyage ».

A propos de Génocide, en quelques mots il faut savoir qu'il a eut lieu entre le 6 avril et le 4 juillet 1994. En 100 jours, on compte environ 1 million de morts. Cela fait 10  000 morts par jour... 
Pour réaliser, je vous invite à comparer avec la couverture médiatique qui est faite chaque jour à travers le monde...

Je ne vais pas trop insister... Enfin sur un point malgré tout, la place de la France. François Mitterand a déclaré à l'époque « un génocide dans ces pays là, ce n'est pas trop important ». La France est coupable de génocide car elle a soutenu jusqu'au bout le gouvernement rwandais dans les massacres qu'il a perpétré contre sa propre population. 
François Mitterand et des membres du gouvernement Balladur avaient des intérêts, oh pas forcément au Rwanda, mais plutôt dans la région nord-est de la République Démocratique du Congo. Cette région du nord Kivu qui est, aujourd'hui encore, pillée par les «grands» pays du monde. Le néo-colonialisme est une réalité.

Je change pour un sujet plus léger. Le Rwanda a une histoire et une culture anciennes. Une monarchie a existé pendant plus de 300 ans. Comme pour les monarchies européennes celle-ci a mené des combats et les frontières n'ont cessé d'évoluer. Les rois vivaient dans un palais, une cour les suivait également partout où ils allaient. 
La société rwandaise était constituée de sortes de castes. Il y avait les Hutu qui étaient les paysans et il y avait les Tutsi qui étaient les éleveurs (de vaches surtout, celles qui ont de grandes cornes en forme de lyre sont presque sacrées). Il y avait de la mobilité sociale (un peu). Des Hutu pouvaient devenir Tutsi, et inversement. Il suffisait d'être propriétaire d'un certain nombre de vaches.
A l'arrivée du colon (belge cette fois), les blancs ont essayé de comprendre cette organisation, sans succès... Alors ils ont figé ces différences en les inscrivant sur les cartes d'identité. Les rwandais devenaient alors Hutu ou Tutsi de père en fils et de père en fille. Les belges, puis les français ont joué de cette opposition. Ce qui a entraîné ce que l'on sait aujourd'hui.

Aujourd'hui le roi est toujours vivant, il s'est exilé en 1959 après quelques mois de règne. La succession royale va définitivement s'arrêter là car le roi ne compte rentrer au Rwanda si ce n'est pas pour récupérer son trône. Et le pouvoir en place ne programme pas du tout un changement de constitution.

Le Rwanda est un pays magnifique et fascinant, à l'histoire aussi mouvementée que sa géographie. Il se remet peu à peu de ses blessures et Kigali, la capitale, à l'ambition de devenir un hub pour les services et le tourisme pour toute la région Afrique de l'est.

Pour intégrer au mieux l'Afrique de l'Est, qui est composée de pays anglophones comme le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie. Le Rwanda qui était plutôt francophone, a décidé de changer en quelques mois la langue d'enseignement. Depuis 2008 les élèves ont leurs cours dans un anglais, souvent de mauvaise qualité. Et si les profs ne le maîtrisent vraiment pas ils font leurs cours en kinyarwanda, qui est la langue nationale, commune à tous les rwandais. 
Aujourd'hui la situation de la langue étrangère est critique. Le français est parlé par certaines élites qui veulent que celui-ci soit réhabilité. Les anglophones sont favorisés dans les administrations sans qu'ils soient ni les plus compétents, ni ''fluent''. 
Beaucoup de parents faisant partie de la classe moyenne qui se développe, souhaitent que leurs enfants apprennent d'abord le français, car jugé plus compliqué que l'anglais. Et que dans un second temps l'anglais soit étudié. Les écoles privées et les cours particuliers donnant une place importante au français sont très prisées.

Moi je ne fais pas dans l'enseignement comme Sylvain, je « range des livres » comme il dit. J'ai travaillé un an et demi comme responsable de la Médiathèque de l'Institut français à Kigali et suis rentré il y a quelques semaines en France. Alors cet article écrit pour le blog de Sylvain (Ghana mbi à Kumasi) , vient aussi clore d'une certaine manière le mien.

Gus

http://gus.uniterre.com



Une maison royale traditionnelle

Un tissu traditionnel

jeudi 2 mai 2013

Récit du samedi (mais le jeudi)

Il pénétra dans l'université alors qu'il était encore dans ses pensées. Les images de son arrivée lui venaient en tête. Il se souvenait très bien s'être dit un jour, alors qu'il entendait de la musique provenant d'une cité universitaire : « ouah, ils ont l'air de faire la fête là-bas ! ». Il avait compris par lui même que ce n'était malheureusement pas des soirées étudiantes qui battaient leur plein mais simplement quelques manifestations religieuses.
« à l'Université il y a aussi des églises? » avait-il demandé naïvement.
« - Bah oui... » lui avait-on répondu interloqué...
En fait, en y songeant à nouveau, il n'avait jamais réellement imaginé qu'une université puisse être aussi permissive à ce niveau, et il restait impressionné par l'omniprésence de la religion mais également par la tolérance affichée par les différentes religions!
Pourtant, elles ne faisaient rien pour se cacher, Bien au contraire. Sur le chemin de son travail à une centaine de mètre de son bureau, il croise quasiment chaque matin quelques étudiants qui prêchent à travers un microphone grésillant. Cette image, bien que le cadre soit bien différent, lui faisait systématiquement penser aux dingos qu'on voit dans les films catastrophe américain et qui annoncent la fin du monde dans la tempête. Il se demandait en tout cas ce qu'il adviendrait si ce genre de chose était faite dans une fac française. Ca ne durerait probablement pas très longtemps.
Il passa devant la zone commerciale de l'université et s'arrêta quelques instants pour observer les affiches, puis continua son chemin en songeant aux examens qui approchaient.
Lors de sa première période d'examen, il avait demandé :
« Pendant les examens, les églises s'arrêtent de fonctionner?
- Non, c'est d'ailleurs à ce moment qu'elles font le plein. Les étudiants vont plus à l'église en période d'examen. Certains y vont même trop, il y a des gens qui ratent leurs années parce qu'ils prient trop. Ça peut arriver.
Ce jour là, il était tombé sur le cul !
Depuis qu'il était là, notre cher ami avait tout de même réussi à tirer parti de sa position pour se renseigner sur la question. Il avait proposé à des étudiants de dernière année de rédiger un mémoire mettant en relation la religion et les études, et avait accepté de suivre la rédaction du travail.
Ça lui donnait du boulot en plus, mais il ne s'était pas trompé ! Et il avait beaucoup appris !
Il avait appris par exemple que l'université est dotée du « student chaplaincy council » qui a été créé pour chapeauter les association religieuses du campus et ce « conseil » n'accepte une association religieuse à l'université qu'à partir du moment où elle dispose de 500 adeptes, possède un comité exécutif et un compte.
Il s'était étonné d'apprendre qu'il existait à l'université de Kumasi 18 associations religieuses officiellement reconnues. Il connaissait même la liste par cœur

Assemblies of God Campus Ministries
Apostolic Students and Associates
Campus Christian Fellowship
Campus Crusade for Christ International
Christ Apostolic Students Union
Christian Medical Fellowship
Deeper Life Christian Fellowship
Evangelical Presbyterian Students Union
Ghana Methodist Students Union
Global Evangelical Students and Associates Ministry
Harvest Chapel Campus Ministry
Inter Hall Christian Fellowship
Lighthouse Chapel International
National Union of Baptist Students
National Union of Anglican Students
National Union of Presbyterian Students
Pentecost Students and Associates
Ce mémoire analysait également très bien les difficultés rencontrées par le Council, qui est parfois submergé. La grande pelouse située en face du stade, derrière la cité U « Indiz » avait été squattée par une église qui rassemblait chaque soir des centaines d'adeptes. Faute de mieux, l'Université à interdit l'accès à cet espace en installant un grillage. Mais cela ne semble pas avoir réellement découragé les adeptes qui se sont seulement déplacés.
Le mémoire avait pour titre : « La prolifération des mouvements religieux à l'université et son incidence sur les performances académiques des étudiants » et consacrait une large partie à une enquête. L'un de graphique montrait le nombre d'heures que les sondés passaient à l'église.
Après une brève analyse, il en conclut que les étudiants sondés passaient environ 6h par semaine à l'église, généralement les mercredis et les week-ends. La durée normale des services semble être d'environ 2h.
Toujours selon cette enquête, environ 20 % des étudiants considéraient que leurs pratiques religieuses étaient un frein à leurs études.
Ce mémoire était en tout cas sacrément intéressant et faisait un bon zoom sur ce qu'était la religion à l'université.
Ce sujet avait en tout cas très régulièrement occupé son esprit, mais il se disait cependant que pour ça, la France était tout de même un beau pays ! Il eut un petit sourire lorsqu'il repensa au débat sur le voile à l'école, puis au tout récent débat sur le fameux « mariage pour tous ». Sa réalité actuelle était vraiment bien loin de toutes ces histoires. Il vivait dans un pays religieux, et de toute manière, il fallait vivre avec, ce qu'il avait très bien réussi à faire depuis son arrivée. Il avait même réussi à supporter les nombreuses réunions et événements protocolaires qui commencent et terminent systématiquement par une prière. La seule fois où ça l'avait vraiment choqué, c'était pendant la campagne présidentielle. Il faut dire que Nana Akufo Addo, le candidat du parti principal de l'oppositon a fait fort pour ses affiches !



Il tourna à gauche, s'arrêta devant une maison et me regarda d'un air sévère. Il avait chaud, avait besoin d'une douche, et refusa de me laisser entrer... Il me laissa seul, dans la rue, équipé de mon calepin, et d'un crayon. Il était temps, mon crayon avait bien besoin d'être taillé !

Je vous fais une grosse bise, ces articles ne sont, il est vrai, pas très positifs, j'ai au moins tenté d'y mettre le style, avec plus ou moins de succès... il est impossible de vivre dans un pays sans défaut, et ne pas en parler sur mon blog serait mentir...

A très bientôt pour un article un peu plus normal. Quoique...