dimanche 17 février 2013

Obroni à Kumasi. Effet starlette et envie d'anonymat.

Bonjour à tout le monde !
Ce titre est, il faut bien l'admettre, un peu énigmatique. Vous le comprendrez mieux après avoir lu. En tout cas, en écrivant cet article, je pense que je vais faire du funambulisme, en essayant ni de basculer dans les banalités tout en n'entretenant pas de stéréotypes fâcheux et malencontreux. En tout cas en essayant de ne pas choquer mes biens chers lecteurs... Bref, je l'écris, et on verra.

C'est marrant pour nous de rentrer en France quelques temps, car les copains, qui se font cela dit très discrets quand nous sommes absents (bim, ça c'est dit), nous posent des questions parfois bien imprévisibles, et pourtant tellement justifiées. Et ces questions, dont les réponses semblent pour nous évidentes, ne le sont pas :
Vous croisez souvent des blancs ?
Ca fait comment d'être « immergé » ? En minorité ?
Et les gens, ils réagissent comment avec les blancs ?
Tout ce tas de question on les comprend sans jamais vraiment y répondre. C'est un sujet épineux ! D'autant qu'en rentrant, j'ai toujours la fâcheuse impression de découvrir une France un peu moins tolérante que lorsque je l'avais quittée... Ca complique les choses. « Et puis merde ! » me dis-je. Après tout, c'est notre quotidien, et étant donné l'amour que je porte à l'Afrique, je doute que quiconque d'entre vous puisse mal interpréter mes paroles...

Alors, la réponse à la première question est très simple. Ici, à Kumasi, la population « Obroni » (terme local pour définir le blanc) est tout de même extrêmement limitée ! A l'université, en comptant à la louche, nous devons être une cinquantaine (sur 50 000 personnes quand même) en ville ça doit être la même proportion. Il arrive en tout cas extrêmement souvent qu'on ne croise pas un seul blanc pendant toute une journée. Il arrive aussi qu'on en croise des groupes de 10 de temps en temps... Alors concernant les nationalités, disons que la grande majorité des gens que l'on rencontre ici sont soit allemands, soit néerlandais. Quelques américains viennent boucler la boucle. Concernant les français... c'est moins glorieux ! Nous sommes une petit quarantaine sur TOUTE la région Ashanti (environ 10 millions d'habitants). Ca pèse pas bien lourd, faut bien l'avouer. Ici, à Kumasi, nous sommes une dizaine. En mai l'ambassadeur de France est venu faire une visite à Kumasi, et une réunion des français de Kumasi a été organisée. Il a pas dû être déçu du voyage notre ambassadeur quand il a vu 20 pelés se pointer (dont la moitié en couple mixte)...
Je ne m'attarderai pas sur Accra, que je connais peu, mais à la capitale, les choses sont bien différentes, et on en croise beaucoup plus fréquemment ! Tellement qu'ici, on dit qu'Accra est une ville d'obronis... Bon, tout est relatif, bien sûr.

Deuxième question maintenant. Je passerai vite également. Au début ça fait un peu bizarre, et il arrive parfois quand on se trouve dans des endroits surpeuplés, de regarder autour de nous et de se dire : « Wow ! j'suis le seul blanc !! ». Moi personnellement, quand je fais ce genre de constatation, ça me fait bien marrer mais je n'y attache aucune importance. Ca fait plus bizarre à d'autres personnes qui admettent être contentes de voir des blancs de temps en temps. Après un moment dans cet environnement, évidemment, ça passe et on n'y pense plus. Ca devient parfois un jeu. Lorsque nous sommes allés voir le match de foot, avant que le match commence, nous nous sommes par exemple amusés à compter les blancs dans les tribunes. L'avantage, c'est que de loin, on nous repère bien ! Et puis ça occupe, D'autant que, vous le savez tous, le temps ici est un peu élastique... J'en parlerai dans un prochain article.

Allez, c'est là qu'il y a beaucoup à dire ! Tellement ! Comment les gens réagissent-ils avec les blancs ?? tout d'abord, je vais commencer en disant que lorsque je rentre en France et que je prends un transport en commun, je suis à chaque fois très étonné par le nombre d'origines représentées dans une rame de métro. Ici, c'est bien différent, et malgré la mondialisation, voir un blanc reste une chose assez peu fréquente... qui attire, pour plein de raisons :
Commençons par le négatif, le stéréotype connu de tous et malheureusement, difficile à contrer : l'argent. Un blanc est par définition riche, tellement riche qu'il peut donner de l'argent à gogo, peut-être même balancer des billets par sa fenêtre s'il en a un peu trop. Alors bien sûr, quand il s'agit d'un vendeur, le prix gonfle... Encore maintenant, malgré mon niveau convenable en twi, je me fais avoir, et il vaut toujours mieux se faire accompagner d'un ghanéen pour faire des achats importants. C'est la même chose avec les taximen. C'est parfois encore plus choquant avec eux, car au cas où on connaîtrait le prix, ils préfèrent abandonner le client plutôt que de lui faire payer le prix local... Dans la rue, les gens qui n'ont pas grand chose se précipiteront obligatoirement vers vous... Après tout, c'est normal, l'image qu'on leur donne de l'Europe est tellement idéaliste (et fausse), et les ghanéens qui vivent en Europe doivent tellement prouver qu'ils ont réussi qu'ils ne peuvent s'empêcher, lorsqu'ils rentrent de vacances, de claquer un maximum d'argent de d'offrir des cadeaux hors de prix, ce qui entretient un peu le « rêve européen ».
Malheureusement, cet aspect reste omniprésent dans notre vie quotidienne. Dans notre quartier, nous n'avons quasiment plus de problèmes, les gens nous connaissent et nous laissent souvent tranquille, mais dès qu'on sort des sentiers battus, il faut à nouveau se battre...

Allez, passons au positif un peu ! Selon les explications qu'on me donne, les gens aiment bien voir des blancs. C'est la raison pour laquelle on nous appelle très souvent. Baladez-vous au ghana et la douce musique du mot « Obroni » devrait résonner dans vos oreilles un certain nombre de fois. Ca passe avec les enfants et les gens « peu éduqués ». Par contre, quand c'est un prof de fac qui vous appelle ainsi, c'est un peu moins marrant. Il paraît que les gens sont contents de nous voir, et ils veulent qu'on les remarque. De quelle autre manière pourraient-ils nous appeler ? « Obroni » est souvent suivi par une question en twi : « Comment ça va ? ». Si vous répondez en langue locale, vous avez trop la classe, et vous aurez illuminé la journée de quelqu'un !

D'une certaine manière, et comme certains européens considèrent que c'est la classe d'avoir un pote black ou un pote homo, ici, avoir un pote blanc, c'est franchement trop la méga classe ! La notion d'amitié étant très différente ici (j'y consacrerai un article), à partir du moment où vous saluez quelqu'un, vous êtes potentiellement un pote, et si vous êtes reconnu dans la rue vous y aurez le droit : « Obroni !! » suivi d'un sourire et d'un geste de main.

Vous le comprenez donc, maintenant ! le titre de cet article ! Que vous le vouliez où non, ici, vous êtes une star en ayant rien fait. Les gens vous remarqueront, feront attention à vous et chercheront à être votre pote, ou à vous arnaquer (ou les deux d'un coup!!). C'est parfois agréable, on a vraiment l'impression d'exister, attention cependant aux journées où vous êtes de mauvais poil. Le 15ème « obroni » de la journée pourrait bien vous être fatal, et le regard que vous jetterez au malheureux qui a fait l'erreur de prononcer ce mot en dira long sur votre état de nerfs. On se met dans une moindre mesure dans la peau des starlettes d'Hollywood... Moi, ce que j'en pense : les pauvres !!

C'est tout pour cet article. Nous allons bien. Il n'a pas plu depuis un bon moment à Kumasi et la chaleur pèse en ce moment. Même Caro transpire ! Les moustiques prolifèrent, en témoigne mon épaule gauche qui semble offrir une réserve de sang très intéressante ! Mais, mis à part ça, tout va très bien.

Des bises à tous !

Sylv et Caro

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